(ART. 2/5) NOUVEAU MOUVEMENT

Nous sommes autant libres d'être libres que libres d'être coincé.e.s.

Quand la peur se trouve un chemin dans la confiance

Sur l’article qui boucle la saison 2020 2021, nous étions radieux des échanges obtenus avec l’héritière, sa fille. Et son fils. Pourtant..

La peur a surgit des entrailles de l’héritière. Cette dame, chez qui nous avions vu que l’acte de confiance n'était pas rien, pour elle, puisque notre hôte nous y accueillait. Et au domaine de Curton, l’hôte n’est pas l’héritier, et l’héritière n’est pas notre hôte. L’hôte du domaine de Curton n’est pas un salarié de l’héritière, il n’est pas un locataire non plus, il ne possède aucun titre, ni aucun certificat pour vivre ici. Il vit là. Et l’héritière le laisse vivre là. La nature de ce geste de confiance résonnait comme un miroir avec ce que nous vivons à la cité de la Digue, hors d’un devoir de pattes blanches : “T’es là, d’accord, point.”

En échange, mais en vrai depuis son propre désir, il maintient ce lieu en vie (précaire), et profite de passer du temps dans ce bel endroit, au bord de l’abandon réel. Nous leurrions-nous quand nous l’entendions parler de l’héritière ? Quand il raconte qu’elle met l’argent quand il y a vraiment besoin de travaux, Ou bien est-ce parce qu’Yves est quasiment aussi vieux qu’elle qu’une confiance sur moins long terme était assez raisonnable pour elle ? Ou est-ce parce que sa confiance en sa progéniture n’a pas été assez éprouvée ? Puisque que ça ne peut pas être parce que nous lui cachions quelque chose. Justement, nous lui avons tout montrée, jusqu'à cette image qui la figea.

On aurait dit que c’est cette photo qui la figea sur place. Et la peur s’installa assez pour qu’un vent brûlant hurle en contre sens de l’eau. Peut-être parce qu’il y a, en elle, la force d’un torrent en furie qui ne tardera pas à s'éterniser en océan, je ne sais pas. Bientôt, s'éterniser en océan nous donne l’envie de remonter à la source. ou les bretelles.

Prenons un peu de recul, C’est nous qui lui avons envoyé cette photo. De nous-même, pour lui dire qu’on lui dira tout. Et les hommes sur la photo ? tout avait pourtant était dit… Bastien (celui qu’on voit de face), lui, il était au rendez-vous joyeux avec Anne-Lucie et leurs interlocuteurs. L’autre, c'était le sujet de leur conversation, faire venir un expert de la rénovation de bâti ancien, venu pour examiner l'étendue des travaux à faire dans cette pièce-là, celle-ci, précisément. Dans le but, comme convenu, de dresser des devis à montrer aux héritiers, non, à l’héritière. Nous voulions juste qu’elle sache (qu’iels sachent) que nous faisions bien les exercices discutés ensemble.

Rénover cette pièce. Est-ce qu’on se souvient de la raison ? Est-ce qu’on se souvient que c’est un souhait ? Est-ce qu’on sait que ce n’est pas quelque chose que nous avons imaginé, mais bien, un rêve, reçu depuis le réel du monde, du réel d’un homme, de Yves. Ayant tout perdu pour tout avoir. vivant dans une sobriété au milieu de l’abondance, s’attristant qu’ici-même, à ce symbole du beau, au château de Curton, même là, l’abondance s’abandonnent au gré des promoteurs. Au gré de la virtualisation du monde. Au gré de la perte du sens de la nature. Et du refus du labeur. Qu’on ne viennent pas me dire que ce n’est pas poussant une charue de charognes que je pose ces mots ici. C’est du respect des morts, de la reconnaissance de la présences des ancêtres. Rénover cette chambre pour qu’il puisse y mourir, voilà quel était son souhait.

Mais la peur de l’héritière mis fin à cet mise en tombeau. Car nous ne nous serions pas satisfait de lui faire une chambre, nous étions aussi prêt à faire l’acte, me semble-t-il, plus rassurant que des murs d’une chambre : ne pas lâcher sa main. Mais la peur de Yves aussi a résonné avec cette première, comme pouvant être potentiellement chassé, et nous demanda également de prendre congé. Alors nous l’avons fait. C’est triste, mais ce n’est pas parce que nous ne vivons pas en chatelain, car nous vivons déjà (le reste n’est que des murs et vous y êtes déjà accueilli.e.s), c’est de laisser un homme seul, en fin de vie…

Et Stefi, qui était de passage à la maison et qui a vu en live la fin de l’aventure du Domaine de Curton, nous lâche : “Pourquoi vous n’achèteriez pas ? C’est débile de continuer à être locataire. à 10, c’est facile ! Vous ne vous rendez pas compte de la force que c’est de vivre comme vous vivez ! Arretez de faire les pauvres !” Et cette graine a poussé, a virevolté, s’est faite contrer, puis s’est rééquilibrée, jusqu'à :

Est-ce que cette maison sur cette photo sera le lieu dans lequel nous vivrons ? Ça a l’air de se présenter ainsi. Est-ce qu’on y fera un théâtre de fortune ? J’espère. Est-ce que notre projet château prend fin ? Certainement pas ! Même avec le château de François 1er, ça ne serait pas terminé.

Fin février 2022, nous avons eu des nouvelles de Yves, par Martial, et elles sont tristes… Il a quitté le château de Curton, il a vendu ses bêtes. Et ce lieu magique va désormais finir de se dégrader, va tomber en ruine. Qu’est-ce qui manque aux rentiers du monde pour penser posséder des terres ou des murs sans personnes pour y cultiver, y aérer, y vivre ? Comment se fait-il que l’ensemble des lois sont soumises aux rentiers ?

J’espère que cet article arrivera jusqu’aux oreilles des concerné.e.s. Et pendant ce temps, nous allons continuer notre chemin et faire preuve de plus de sincérité dans notre démarche, dans notre proposition sociétale, dans notre conviction de n’avoir pas d’autre issue que d’accepter le collectif dans le quotidien.

Article achevé le jeudi 17 mars 2022.


Date de parution: le 18 mars 2022.

Écriture:
- Jonathan Dupui

Photos et/ou retouches:
- Bastien Lasserre

Enregistrements audios:
- Jonathan Dupui

Mise en forme web (et censure):
- Jonathan Dupui
- David Bruant

Contact: Anne Lucie Dumay, Magali De Bortoli (diffusion@association-tedua.fr, 06 15 60 97 04).